« Il est urgent de reprendre le contrôle de l’intelligence artificielle, qui recèle de quoi provoquer des désordres sociaux sans précédent »


L’intelligence artificielle (IA) n’a nulle vocation à dire le vrai, à produire le beau ou à faire le bien. Démarrons par le « vrai ». Ce fameux ChatGPT, que n’a-t-on pas dit à son sujet ? Il est clair que Wikipédia joue un rôle très important parmi les nombreux corpus textuels dont cette IA apprenante s’est nourrie, et qui lui permet, entre autres, de produire des textes d’une excellente syntaxe et qui font très souvent mouche au plan sémantique.

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La plate-forme Wikipédia, sous-tendue par une algorithmique formidable, car plus soucieuse de faire collaborer les hommes que de les dresser les uns contre les autres, les scotcher à l’écran, les déprimer ou les enfermer dans une bulle informationnelle, nous en dit beaucoup sur la difficulté de parvenir au vrai. Il s’agit d’une progression lente, parfois laborieuse, par à-coups, en tension, instable, toujours en devenir, à la jonction de multiples opinions, mais qui graduellement convergent et se stabilisent sur ce qu’on finira par accepter comme vrai, pour l’instant.

Rien à voir avec ChatGPT qui, sans l’aval, sans l’autorisation ni l’accompagnement du moindre humain, vole à l’arraché Wikipédia, lui dérobe des pans entiers de textes, et les mêle à d’autres, au tout-venant, pour autant que les premiers furent souvent suivis par les seconds. Or, en quoi la combinaison statistique de textes aspirant difficilement et graduellement au vrai nous garantit la continuité de cette aspiration ? La syntaxe, oui d’accord, même si plus aucune règle explicite ne le garantisse vraiment (au grand désespoir de Noam Chomsky), la sémantique aussi, sans surprise. Mais le vrai ? De surcroît, les auteurs originaux de ces mêmes pages se retrouvent scandaleusement enfouis et anonymisés dans ce cocktail infâme, cette masse textuelle informe et son illusion du vrai.

Evaluation subjective

Ensuite, le « beau ». Paul McCartney raconte comment, en mêlant une fugue de Bach et sa passion pour Chuck Berry, il compose le formidable Blackbird. L’IA aujourd’hui se nourrit de morceaux des Beatles jusqu’à l’indigestion pour produire du simili Beatles, sans âme, sans inspiration et sans récit. On produit du Rembrandt à partir de Rembrandt, du Picasso à partir de Picasso, mais Picasso lui-même produit du Picasso car, à l’origine, fasciné et inspiré par Rembrandt, Velazquez et d’autres, d’une manière parfaitement non reproductible par une IA. Brancusi, en colère, sculpte un baiser primitif en réaction au maniérisme et à la grandiloquence de son maître Rodin, un baiser qui n’a rien et pourtant tout à voir avec le baiser du maître.

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